Le bruit que font deux montagnes qui se rencontrent

Publié le par Vivien BRUNEL

Le bruit que font deux montagnes qui se rencontrent

Lorsque Jigoro Kano a conçu le judo, il a récupéré de nombreux documents et des enseignements oraux (kuden) de maîtres de ju jitsu éminents qui, par chance étaient encore vivants à cette époque, mais dont l'art qu'ils souhaitaient transmettre n'intéressait plus grand monde. Jigoro Kano a également récupéré des documents sur le kenjutsu (sabre), le kyojutsu (tir à l'arc) et le sumo.

Le sumo est considéré au Japon comme le père des arts martiaux car, dans la mythologie japonaise, la suprématie de la race japonaise sur l'archipel s'est établie lorsque le dieu Takemikazuchi a battu le chef d'une tribu rivale dans un combat de sumo.

Le sumo est une lutte pratiquée au Japon depuis plus de 1500 ans, et à partir du 13ème siècle, il a été utilisé pour accroître la performance des combattants sur les champs de batailles. C'est ainsi que le ju jitsu s'est développé à partir du sumo. C'est aussi pourquoi Jigoro Kano est allé puiser le judo dans le ju jitsu, mais aussi en amont dans le sumo.

J'ai passé une journée à Osaka où se terminera dimanche 22 le deuxième hon-basho de l'année, qui est le grand tournoi dans lequel se dispute la coupe de l'empereur. Les étrangers se sont insérés dans le circuit du sumo professionnel depuis quelques années, certain d'entre vous connaissent sans doute le célèbre hawaïen Konishiki et ses 280 kg puisqu'il a été le premier étranger à atteindre le rang d'Ozeki, le dernier rang avant celui de yokozuna, les dieux vivants.

Actuellement, ce sont les mongols qui dominent de la tête et des épaules la discipline. Comme les japonais, ils ont une longue tradition de lutteurs, ils sont très solides physiquement et celui qui est en train de battre tous les records, Hakuho, a une qualité technique jusqu'alors jamais atteinte dans le sumo. Pas un seul lutteur japonais n'a remporté la coupe de l'empereur depuis 2006, presque 10 ans et 60 tournois ! C'est la crise !

Le bruit que font deux montagnes qui se rencontrent

Les lutteurs sont classés selon des critères méritocratiques très stricts et ce classement, le banzuke (photo), est publié avant chaque coupe de l'empereur. Toute la journée, les combats s'enchainent, commençant par les lutteurs les moins bien classés et se termine par les combats des 40 lutteurs du haut du classement qui forment l'élite, le makuuchi, et qui se disputent la coupe. Pour cette fois ci, Hakuho est bien parti pour la conserver puisqu'il totalise 11 victoires en 11 combats.

Le bruit que font deux montagnes qui se rencontrent

De ce que j'ai pu observer de la cinquantaine de combats que j'ai vus aujourd'hui, le combat se déroule en deux phases. Tout d'abord, un échange de baffes et de poussées dans l'objectif de faire sortir l'adversaire de la zone de combat, ce qui le disqualifie. On peut appeler cette phase la phase de combat de kumi-kata. Car ensuite, si le combat est toujours en cours, les lutteurs ont généralement posé leurs deux mains sur la ceinture de l'aversaire, et une deuxième phase commence : soit on cherche à arracher l'adversaire du sol et à le déposer en dehors de l'aire de combat, soit on cherche à le déséquilibrer pour que l'adversaire prenne un autre appui qu'avec les pieds ou chute.

Le bruit que font deux montagnes qui se rencontrent

J'ai vu des combats avec des différences de poids importantes (c'est le plus gros qui gagne souvent dans ce cas), et vous assure que le kumi-kata avec les deux mains sur la ceinture est extrêmement stable et permet aux plus légers de bloquer et de dévier les poussées des plus lourds. C'est aussi ce kumi-kata que j'ai beaucoup vu lors de ma deuxième séance au kodokan de Tokyo avec les judoka de la Nihon university. Auraient ils eux aussi lu les vieux textes secrets sur le sumo ?

Le bruit que font deux montagnes qui se rencontrent

De nombreux combats, sans doute 75% au moins se sont terminés lors de la première phase, celle avant la prise de kumi-kata. Les lutteurs s'envoient des gifles absolument monumentales et des rafuts violents, l'objectif étant de déstabiliser l'adversaire pour prendre un avantage sur la suite du combat qui est très court en général. Peu de combats se sont conclus par des projections, mais j'ai vu une projection proche d'uchi mata, et des uki-otoshi, ce qui aurait fait plaisir à Jigoro Kano. J'ai aussi vu quelques tentatives d'accrochage, type ko soto gake. Ils n'ont pas fonctionné mais je sais que les mongols sont très performants dans ce domaine.

La journée s'est donc terminée par une déception pour les japonais puisque le mongol Hakuho a battu l'enfant du pays Goeido. Mais le spectacle a été de très bonne qualité et c'est cela que recherchait le public en priorité.

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